dimanche 4 mars 2018

La randonnée et l'environnement

Cet article porte sur un sujet qui me tient beaucoup à cœur (ce n'est pas pour rien que je fais des études d’ingénierie environnementale :)) : le respect de l'environnement pendant la randonnée. Parce que c'est bien mignon de dire que la cyclo-randonnée est un sport/vacances "écologique" puisqu'on ne consomme pas de carburant, et qu'on est en contact avec la nature, mais il faut absolument veiller à ce que ce contact avec la nature ne lui soit pas néfaste. J'ai donc essayé de faire un résumé de tout les impacts possibles du randonneurs sur l'environnement et des conseils pour les éviter. Il est possible que j'en ai oublié, n'hésitez pas à le dire dans les commentaires. Comme d'habitude, toutes les références sont en fin d'article.

Sur le site de la fédération français de la randonnée, on trouve une "charte du randonneur" qui donne quelques indications :
  • respecter les espaces protégés
  • rester sur les sentiers
  • nettoyer ses semelles
  • refermer les clôtures et les barrières
  • garder les chiens en laisse
  • récupérer les déchets
  • partager les espaces naturels (i.e. respecter les autres personnes)
  • laisser pousser les fleurs
  • être discret
  • ne pas faire de feu
  • préserver les sites
  • privilégier le covoiturage et les transports en commun (ça ne nous concerne pas trop)
C'est une bonne base, mais je trouve qu'elle manque un peu d'explications, et qu'il manque certains points. 

Les déchets

On entend souvent aujourd'hui qu'il faut éviter de produire des déchets, et quand on ne peut pas les éviter, les traiter de manière appropriée en les jetant dans la poubelle adéquate. Pourtant, on retrouve souvent sur les sentiers, et même en ville, des déchets sauvages qui se promènent. Je tiens donc à expliquer pourquoi c'est si important de les empêcher de s'évader. 

La première raison c'est que les déchets ne vont pas disparaître comme par magie si on les laisse dans la nature. C'est-à-dire qu'ils disparaîtront certes de vos affaires, mais non seulement ils vont rester intact pendant plusieurs années (voire des centaines), mais ils vont aussi abîmer un peu tout ce qui les entoure en se dégradant : le sol, l'eau, la végétation... Les zones humides étant particulièrement sensibles à ce genre d'intrusion. En effet, quand les déchets se dégradent, ils ne disparaissent pas mais se "répandent", ce qui apporte à l'écosystème des éléments, comme les nutriments issus des déchets organiques, des petits bouts de métal, ou encore les polluants contenus dans les plastiques ou le textile. Chaque écosystème possède un équilibre, plus ou moins fragile, qui est inévitablement perturbé par cet apport. Cela peut mener à la raréfaction de certaines espèces végétales ou animales, à un changement de comportement des animaux, voire à la disparition de l'écosystème en lui-même. Dit comme ça, ça paraît sans doute dramatique, et vous-vous dîtes peut-être que si vous laissez un petit sac plastique derrière vous ça ne tuera personne... Mais ce petit sac plastique va se transformer en bouts de plastique encore plus petit, qui pourront facilement être portés par le ruissellement de la pluie sur le sol jusqu'à une rivière. De la rivière ils iront alors dans l'océan pour se joindre aux plusieurs millions de tonne de plastique qui y sont déjà. Une fois dans l'océan ils pourront alors absorber les polluants rejetés dans l'océan, pour être ensuite avalés par un habitant marin, dont ils perturberont sans doute la reproduction, menant une raréfaction de l'espèce. Ou alors, cet habitant marin pourra se retrouver dans votre assiette pour que vous puissiez être à votre tour contaminé par ces polluants. Encore une fois, il n'y a pas de petits gestes, c'est l'accumulation de petites choses à l'échelle mondiale qui perturbe tant l'environnement. Je vous renvoie aux références si vous voulez connaître l'impact des autres déchets, sinon cet article se transformerais en bouquin.
Ce raisonnement vaut d'ailleurs aussi pour les déchets organiques, que ce soit alimentaires où humains. Pour la nourriture le mot d'ordre est : si on ne l'a pas cueilli sur place, on embarque jusqu'à une poubelle. Pour les déchets humains, comme c'est beaucoup plus problématique de les emporter (bien que cela reste la meilleure solution), évitez de les laisser aux abords d'une étendue d'eau, milieu fragile par excellence, et enterrez-les pour faciliter leur décomposition. Ils répandront certes leurs polluants (oui, parce que ce n'est pas exempt de polluants, entre les pesticides issus de l'alimentation et les restes de médicament, il y a de quoi faire), mais dans une zone moins large, qui pourra à terme retrouver son équilibre.

La deuxième raison, c'est que les déchets sont aussi des ressources ! Dit comme ça, c'est bizarre, mais savez-vous la quantité d'eau utilisée pour produire un petit bout de sac plastique, et la quantité de CO2 produite ? Le plastique issu de plastique recyclé est beaucoup moins vorace en ressource. Il en est de même pour à peu près tout les déchets, sans compter les déchets électroniques contenant des "terres rares" : des matériaux disponibles uniquement en faible quantité dans le monde. L'idéal dans l'absolu reste de ne pas produire de déchets pour ne pas consommer de ressources en privilégiant des objets réutilisables, compostables ou que l'on peut utiliser pour autre chose quand ils ne sont plus en état. Concrètement pour la randonnée on a tendance à privilégier les objets en plastique qui sont plus légers. Ce n'est pas mauvais en soit, mais il faut juste les réutiliser plutôt que de les jeter après la première utilisation, et bannir tout plastique non recyclable. Et correctement les recycler quand ils ne seront plus utilisable.

Les produits nettoyants (y compris savon et shampoing)


Quelque chose qui ne figure pas dans la charte du randonneur, c'est d'éviter d'utiliser des produits nettoyants non naturels, et même quand ils sont naturels, d'éviter de les rejeter dans une étendue d'eau. En effet, ces produits nettoyants contiennent des composant artificiels pouvant être dangereux pour la nature. Ils sont en général composés de :
  • Surfactants : ils permettent de "dissoudre" la graisse pour pouvoir l'enlever à l'eau, c'est la base nettoyante
  • Conservateurs : pour éviter l'apparition de micro-organismes qui pourraient réduire la durée de vie du produit
  • Actifs : les additifs pour rendre la peau douce, pour hydrater et plein d'autres effets magiques
  • Parfums
Il existe de nombreuses études pour déterminer la dangerosité de ces composants pour l'environnement. La plupart de ces études portent sur l'utilisation des produits nettoyants dans les foyers, mais leurs résultats sont facilement transportables à notre cas. Pour l'exemple j'ai copié la liste des composants de mon savon habituel:
Eau, Sodium C12-13 Pareth Sulfate (*A) / Sodium Laureth Sulfate (*B), Cocamidropropyl Betaine, Glycerin, Sodium Salicylate, Sodium Benzoate, Polyquaternium-7, Citric Acid, Tretrasodium EDTA, Glycol Distearate, Laureth-4, Phalaenopsis Amabilis Extract, Benzyl Salicyclate, Butylphenyl Methypropional, Coumarin, Getraniol, Hexyl Cinnamal, Limonene, Linalool, CI 17200, CI 42090

Je ne vais pas vous faire un topo détaillé sur tout les composants, mais je tiens à attirer votre attention sur deux d'entre eux. 
Commençons par le "cocamidropropyl betaine", qui fait partie de la famille des surfactants. Il a été observé (à partir d'études, un peu barbares à mon goût, qui consistent à introduire le composant en différentes quantités dans des aquariums et à vérifier qui survit) que ce composant était toxique à partir d'une concentration de 1 à 10 mg/L dans l'eau, et totalement meurtrier au-delà. Dans les faits, on utilise environ 2g de savon par douche. Comme le "cocamidropropyl betaine" est dans les premiers ingrédients de la liste, cela signifie qu'il est présent en relativement grande quantité, mettons 10%. Si on se lave dans un cours d'eau ou un lac lors d'une randonnée, on y répandra donc 200 mg de  "cocamidropropyl betaine". Si il s'agit d'une petite étendue d'eau, admettons 2 000 L, il suffit que 10 personnes y prennent leur bain pour que la situation commence à devenir critique.  Sachant que ce surfactant peut rester plusieurs jours dans l'eau avant d'être biodégradé, voire ne jamais être biodégradé, cela peut aller très vite.
C'est la même chose pour le "limonene", un parfum qui a été catégorisé comme très dangereux pour les milieux aquatiques, tout comme pour certains des conservateurs (je n'ai trouvé que les noms scientifiques malheureusement, et pas les noms commerciaux qui figurent sur la composition).
Pour éviter tout ça, il faut utiliser de préférence des savons naturels comme le savon de Marseille ou le savon d'Alep (utilisables aussi pour faire la vaisselle et la lessive). On trouve ces derniers sous forme solide et peuvent être un peu agressifs pour la peau, mais on peut facilement les associer à d'autres produits naturels tels que la glycerine végétale ou les huiles essentielles pour leur ajouter d'autres bienfaits (hydratation, parfums...). Il en existe d'autre, trouvable dans la plupart des magasins bios. Vous trouverez aussi dans les références un site qui explique comment fabriquer son gel douche (il y en existe sans doute d'autres qui proposent des méthodes différentes).
Même avec un savon naturel, il faut toutefois éviter de les utiliser en trop grande quantité, surtout proche des cours d'eau : même si leur grand avantage est qu'ils ne sont pas nocifs en petites quantité, ils restent dangereux en trop grande quantité, cf ce que j'ai dit sur les déchets.
J'en profite pour un petit aparté : sachez que ces surfactant, conservateurs et parfums se retrouvent aussi en faible quantités après le traitement des eaux usées, donc même quand on n'est pas en randonnée il peut être judicieux d'opter pour un savon naturel. D'autant plus que ça peut être économique sur le long terme, et que cela présente l'avantage de pouvoir faire son savon exactement selon ses besoins ou envie.

Les impacts directs sur la nature

Il y a trois catégories d'impact direct sur la nature (enfin j'en ai peut-être oublié) :
  • Le piétinement
  • Le dérangement de la faune
  • La modification du recouvrement de la végétations
Le piétinement
Quand on marche ou qu'on fait du vélo, on abîme forcément le sol. C'est inévitable et on ne peut pas faire grande chose contre ça, mais on peut faire attention à n’abîmer toujours que les même zones, à savoir les sentiers. En effet, si il y a un piétinement fréquent d'une zone herbeuse (ou mousseuse), le sol va se tasser, les végétaux vont disparaître et un sentier sera crée en moins de deux semaines. Il est donc important de rester au maximum sur les sentiers déjà crées. C'est d'autant plus valable s'il se trouve dans la zone des espèces végétales protégées. On ne va pas planter sa tente sur le sentier directement, mais il faut veiller à ne pas trop s'en éloigner non plus pour ne pas trop marcher hors sentier.

Le dérangement de la faune
Il faut savoir que dans un milieu naturel, les humains sont des intrus : ce n'est pas leur habitat. Ils vont être évités par les animaux, ce qui peut provoquer un changement chronique de leur comportement. Par exemple, une étude a montré que les marmottes des Pyrénées vivant à proximité d'un sentier ont un régime alimentaire différent des autres marmottes. Est-ce parce qu'elles n'ont pas accès aux mêmes zone, ou pas aux même horaires ? On ne sait pas tellement. De la même manière, si vous posez votre campement proche d'un nid d'oiseau, les oiseaux ne retourneront pas à leur nid tant que vous êtes là, donc si il y a des œufs ils vont invariablement mourir de froid. Les animaux font la distinction entre les zones "humaines" tels que les sentiers, les aires de campement, les refuges, et les zones "non humaines" qu'il faut éviter au maximum de fréquenter. Pour les mêmes raisons, ne tentez pas de vous approcher trop des animaux ni de les nourrir : il ne faut pas qu'ils s'habituent aux humains et prennent de mauvaises habitudes. Quelque chose d'autre auquel on ne pense pas forcément est de bien fermer les barrières que l'on traverse : si elles sont fermées c'est pour empêcher des animaux de sortir ou d'entrer.

La modification du recouvrement de la végétation
Les modifications  les plus importantes ont encore une fois lieu lors du campement : le meilleur exemple est le recouvrement de l'herbe par la tente. On voit bien qu'en rangeant la tente l'herbe en dessous est toute couchée voire jaunie. Il faut la remettre bien (bon, si elle est jaunie c'est trop tard), voire privilégier un emplacement sans végétation (même si c'est moins confortable) afin de préserver l'équilibre du milieu. Le cas extrême étant le feu de camp, qui provoque une absence totale de végétation, parfois pendant plusieurs année. Il faut donc éviter de faire son feu en dehors des endroits déjà prévus à cet effet.
De la même manière, pendant que l'on se promène on peut être tenté de cueillir des fleurs pour garder un souvenir, mais si tout le monde en cueille il peut arriver qu'il n'y ai plus assez d'individus pour renouveler la population, donc il n'y aura plus de jolies fleurs l'année d'après. 

Le matériel en lui-même

On y pense assez peu souvent, mais le choix du matériel en lui-même a un impact sur l'environnement. Je m'explique : l'industrie textile est une des industrie qui consomme le plus d'eau au monde, sans parler des engrais et pesticides utilisés pendant la culture de fibres, ou les additifs ajoutés aux tissus pour leur donner de meilleurs propriétés. Choisir son matériel correctement est déjà un bon point pour l'environnement : certaines fibres telles que le coton (de manière générale), ou le bambou (qui a certes une culture sans pesticides, mais qui demande un pré-traitement riche en polluants) sont particulièrement nocives et il existe des alternatives telles que le coton bio, l'ortie, le chanvre. Le transport est aussi à prendre en compte : les fibres viennent de loin et leur transport est souvent coûteux en carburant, et donc polluant, on peut privilégier les marques locales pour atténuer cet effet.
Il faut donc se renseigner sur la politique environnementale des marques avant d'acheter. Vous trouverez dans les références quelques liens vers des marques engagées (c'est une liste non-exhaustive encore une fois). Cependant, comme d'habitude, l'inconvénient de ces alternatives, surtout pour du matériel sportif, c'est le prix et le choix limité. Une bonne alternative est donc de privilégier le matériel d’occasion, moins cher, cela lui permet en même temps d'éviter de finir en déchet pour polluer encore plus.
Il peut aussi être intéressant de se renseigner également sur la politique sociale des marques : personnellement je n'ai pas envie de porter un vêtement cousu par un gamin de 10 ans dans des conditions précaires (même si c'est sans doute le déjà cas pour certains de mes vêtements).

Références (j'ai aussi utilisé mes propres connaissance, provenant de mes cours) :

La charte du randonneur (ici)

Les déchets:
Agglopole Provence (ici)
SIFEE (ici)

Les produits nettoyants :
Marina Rotsidou et Mark D. Scrimshaw, 2015 (ici)
TPE-gels douche (ici)
Guang-Guo, 2016 (ici)
Toutvert, Fabriquer son gel douche (ici)

Les impacts directs:
Développement durable et territoire (ici)
Jean Pierre Mounet (ici)
La tribune libre de bleau (ici)

Le matériel :
Planet addict (ici)
Groupe Ecocert (ici)
Eloge de la curiosité (ici)

Les marques engagées, malheureusement pas de vêtement dédiés au cyclisme  (je ne suis pas allée voir les labels,donc je ne peux pas certifier qu'il ne s'agit pas de greenwashing) :
Eco-sapiens (qui est en fait un comparateur) (ici)
My Green Sport (ici)
Vaude (ici)
Natural Peak (ici)
Patagonia (ici)





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire